10 bonnes pratiques pour faire des tests utilisateurs avec des enfants
Le concept de test utilisateur classique est assez simple; de véritables utilisateurs sont invités à réaliser des tâches sur un site Web ou une application mobile en verbalisant leurs attentes et impressions. Que se passe-t-il lorsque ces utilisateurs sont de jeunes enfants ? Après tout, plusieurs enfants apprennent désormais à swiper sur une tablette avant de parler, alors que d’autres s’en donnent à cœur joie avec le compte Netflix familial – et je ne même parle pas de l’intégration de la technologie dans les écoles.
Au même titre que les adultes, les enfants méritent des plateformes qui leur sont adaptées. La meilleure façon de concevoir des sites Web et applications qui répondent à leurs besoins – c’est de leur demander leur avis. Il est difficile pour un adulte de se mettre dans la peau d’un enfant… Les tests utilisateurs deviennent donc plus essentiels que jamais ! Voici quelques lignes directrices à suivre si vous prévoyez faire des tests utilisateurs avec de jeunes enfants. Pour l’instant, nous prendrons pour acquis que toutes questions légales et autorisations parentales requises ont été prises en charge.
1. Adapter le guide de discussion au groupe d’âge ciblé
C’est la base, et un point déterminant dans la réussite de vos tests utilisateurs.
Le guide de discussion classique a une introduction, une série de tâches à réaliser incluant une ou plusieurs période(s) de questions s’apparentant à une entrevue individuelle. Avec de jeunes utilisateurs, cette structure n’est pas nécessairement gagnante – vous avez intérêt à simplifier votre guide au maximum. Pour débuter, vous pouvez par exemple expliquer la notion de confidentialité avec le terme top-secret.
Vous voudrez adapter le déroulement du test selon les différents groupes d’âge. Pour des enfants d’âge préscolaire (2 à 5 ans), une exploration libre de l’interface où l’enfant navigue à son rythme selon ses intérêts est à prioriser. Une tâche de réchauffement est aussi à prévoir – par exemple, demander de pointer le doigt d’un adulte avec leur curseur sur l’ordinateur pour s’assurer qu’ils sont à l’aise. Les enfants du primaire (6 à 10 ans) seront en mesure d’effectuer des tâches simples, mais décortiquées en petits segments, avec un modérateur. Pour chaque tâche, il est recommandé de préparer une série d’indices prédéfinis pour assister les participants au besoin. Dès le début de l’adolescence (11 à 14 ans), une structure de guide de discussion « pour adultes » peut fonctionner. Certains adolescents penseront à voix haute et communiqueront leurs impressions au fur et à mesure, ce qui n’est pas le cas chez les plus jeunes.
2. Limiter les airs de laboratoire de votre laboratoire
Les bureaux de pédiatres sont généralement plus child-friendly que ceux des autres médecins – le même principe s’applique aux laboratoires d’utilisabilité (ou la salle que vous utilisez pour vos tests). Mettez un peu de couleur tout en évitant de distraire vos participants pendant les tests. C’est une question d’équilibre; une affiche de personnages de dessins animés colorée ajoute une touche de dynamisme à la pièce, alors qu’un ballon de plage géant risque de faire tourner vos tests au vinaigre.
3. Utiliser l’équipement le moins intrusif possible
Dans la mesure du possible, évitez les gros micros et les caméras massives. Si vous travaillez dans une salle avec un miroir sans tain, positionnez l’enfant dos à celui-ci. J’ai personnellement du mal à me concentrer sur une conversation si je suis face à un miroir. Je vous laisse imaginer comment un tel élément, aussi mineur soit-il, peut distraire vos sujets ! Pour ce qui est des technologies plus pointues comme l’oculométrie, priorisez des méthodes non-invasives. Par exemple, les lunettes oculométriques sont fantastiques, mais ne seraient pas notre premier choix avec de jeunes enfants.
4. Prévoir une heure avec chaque enfant
60 minutes est la durée standard d’un test utilisateur avec un adulte. Pour un enfant, un test de 30 minutes est plus raisonnable. Par contre, pour avoir l’attention de l’enfant pendant 30 minutes, vous aurez besoin d’une bonne heure. Pensez pause-étirements, pause-collation, pause-jeu, pause-course, pause-toilette… Ces moments sont nécessaires pour permettre aux enfants de rester concentrés sur le test.
5. Changer l’ordre des tâches entre les enfants
Il nous arrive souvent d’inverser l’ordre des tâches lorsque nous faisons des tests utilisateurs avec des adultes. Le cas classique est celui où une même série de tâches est effectuée sur deux plateformes différentes dans le même test. Cela nous évite d’avoir des résultats biaisés par l’ordre d’utilisation des appareils. Par exemple, il serait faux de dire que tous les participants ont eu plus de facilité sur la tablette s’ils ont tous pris le temps de découvrir le site Web sur ordinateur préalablement.
Varier l’ordre des tâches est d’autant plus important chez les enfants dont le niveau d’attention diminue plus rapidement. Sans cela, vous risquez de constater que la dernière tâche est moins bien réussie. Lacunes majeures de l’interface ? Pas nécessairement, simplement des participants plus fatigués à cette étape du test.
6. Miser sur un premier contact chaleureux
L’idée est d’engager une conversation avec l’enfant pour le mettre en confiance – rien de complexe, du small talk. De façon générale, les enfants aiment parler de leur anniversaire, de leurs sports et jeux favoris, et des sujets qu’ils préfèrent à l’école. Ce type de conversation permet de briser la glace et d’instaurer un climat de confiance.
7. Bien expliquer la procédure aux parents
Si les parents ne sont pas à l’aise avec la procédure, les enfants ne le seront pas non plus. Assurez-vous de faire visiter le laboratoire aux parents en prenant soin de leur expliquer le déroulement du test et les différents éléments des installations (miroir sans tain, caméras, micros, etc.). Les parents d’enfants d’âge préscolaire devront sans doute rester dans la salle tout au long du test. Dans ce cas, prenez soin de souligner aux parents qu’ils peuvent observer sans problème, mais devraient interagir avec leurs enfants le moins possible pendant le test. L’objectif principal est de récolter le point de vue des utilisateurs ciblés par l’interface testée : les enfants. Toute interaction externe risque de biaiser les résultats. Si vous avez déjà enseigné la dance, le karaté, le soccer, le patin, le théâtre (ou tout autre activité récréative) à des enfants, vous savez comme moi qu’un parent assis dans les gradins qui donnent des directives à son enfant (en parlant par-dessus vous) est fort contraignant. C’est le même principe ici.
8. Motiver les enfants avec l’importance de leur rôle
Les tâches que vous demanderez aux enfants de réaliser peuvent être difficiles pour eux, et ce, surtout s’ils doivent les compléter sur un prototype incomplet. (Bien sûr, dans ce cas, vous aurez bien gérer les attentes en expliquant préalablement que vous testez quelque chose qui n’est pas fini.) Il sera important de motiver vos participants tout au long des tests avec du feedback positif. Vous pouvez par exemple prétendre que vous avez de la difficulté avec votre site Web, et avez besoin d’aide pour l’améliorer ou le comprendre. Entre les tâches, assurez-vous de donner du feedback positif sur ce qui a été accompli (même après un échec à la tâche). Vous pouvez dire aux enfants qu’ils ont bien fait, et que leurs commentaires sont intéressants pour vous. Finalement, concluez le tout sur une note positive en mettant l’emphase sur l’importance du rôle des enfants dans le développement de votre site Web ou de votre application.
9. Rediriger les questions
C’est une bonne pratique dans tout test utilisateur, entrevue individuelle ou groupe de discussion. Si un participant vous pose une question – retournez-lui sa question. Ce point est particulièrement important pour les enfants qui ont souvent beaucoup de questions. Si un enfant vous demande ce qu’un bouton représente, demandez-lui ce qu’il représente selon lui. S’il vous interroge sur quoi cliquer, cherchez à savoir sur quoi il pense qu’il doit cliquer. Éventuellement, si un participant a de la difficulté à réaliser une tâche, vous pourrez commencer à lui répondre avec des indices graduels. Cette façon de faire permet de nuancer les résultats en évitant de catégoriser des tâches comme étant réussites ou échouées. Elles peuvent l’être avec ou sans assistance.
10. Éviter de demander aux enfants ce qu’ils veulent faire
Vous avez déjà été animateur de camp de jour ? Vous avez probablement appris durement que demander à un enfant s’il veut jouer au jeu que vous avez organisé est une mauvaise idée. S’il dit non, vous ne saurez pas quoi lui dire (sans compter qu’il risque d’influencer les autres enfants à bouder votre jeu). Dans cette optique, demander aux enfants s’ils veulent réaliser la tâche planifiée risque de vous mettre dans une position délicate. Formulez plutôt votre guide discussion avec des phrases débutant par Maintenant, nous allons… , C’est le temps de faire…, etc.
Le comportement au-delà du protocole verbal
Ces quelques lignes directrices sont une bonne base pour préparer des tests utilisateurs avec des enfants. Par contre, la préparation de guides de discussion et la modération restent des arts qui se perfectionnent avec le temps ! Lorsque vous testerez une interface avec de jeunes utilisateurs pour la première fois, vous remarquerez sans doute à quel point les observations comportementales (expressions faciales, mouvements, clics, scroll, etc.) deviennent importantes par rapport au protocole verbal (ce qui est dit). D’une part, les enfants ne vont généralement pas penser à voix haute comme les adultes, et peuvent davantage chercher à vous faire plaisir en disant qu’ils aiment votre application.
Source : Hanna, L., Risden, K. et K. Alexander (1997). « Guidelines for Usability Testing with Children », Interactions, vol. 4, no 5 (September + October), p. 9-14.