Économie numérique, gouvernement et entreprenariat québécois
Ces trois mots clés étaient à l’honneur lors de l’Assemblée générale du CEFRIO qui s’est tenue le 9 juin 2016. Il faut dire que le plan d’action en économie numérique du Gouvernement du Québec dévoilé en mai dernier fait jaser la communauté Web. Sans entrer dans les détails, il est question de 200 millions de dollars d’investissement sur cinq ans dans la scène numérique québécoise. En ce moment, c’est l’étape du débat. Tout le monde veut sa part du gâteau et croit avoir ce qu’il faut pour aider la province à rattraper son retard en matière de commerce électronique. Que le meilleur gagne.
Or, je ne parlerai pas politique. Je veux plutôt mettre l’accent sur la table ronde qui réunissait trois entrepreneurs et Dominique Anglade, Ministre de l’Économie, de la Science et de l’innovation et responsable de la Stratégie numérique, lors de l’Assemblée. Jacqueline Dubé, Présidente-directrice générale du CEFRIO, a animé la discussion entre la ministre, Albert Dang-Vu, Président et directeur général de Mirego, Yves Proteau, Co-président de APN inc., et Vincent Thériault, Co-fondateur de Surmesur.
Industries variées, défis communs
Albert Dang-Vu et Yves Proteau sont en B2B (Business to Business); Mirego développe des applications mobiles et APN inc. produit des pièces usinées pour l’aéronautique. Vincent Thériault oeuvre en B2C (Business to Consumer); il offre des vêtements pour hommes sur-mesure. Ces trois entrepreneurs sont bien loin de leurs environnements concurrentiels mutuels. Pourtant, ils se rejoignaient à plusieurs niveaux pendant la table ronde, et ce, pour chacun des points soulevés par Madame Dubé.
Apport et impact du numérique sur la croissance
Pour Yves Proteau et Vincent Thériault, le principal apport du numérique se traduit par l’efficacité des opérations. APM inc. utilise désormais ses outils de la façon la plus efficace possible grâce à l’intégration de tous ses systèmes et la centralisation de l’information. Le Big Data collecté permet de dresser un portrait des enjeux de productivité et d’optimiser les processus. Pour Surmesur, le principe est le même – le numérique permet de gagner en rapidité et faire les choses une fois plutôt que deux (oui, je me permets d’inverser l’expression). On s’imagine que chaque client a une fiche électronique avec ses mesures et son historique d’achat, qui accélère non seulement l’achat et la personnalisation en ligne, mais aussi les visites en boutiques.
Pour Albert Dang-Vu de chez Montago, le principal impact du numérique se traduit en termes d’agilité. Plutôt que de diriger des projets avec un début et une fin, il fonctionne avec des itérations – construire, rétablir, reconstruire, etc. Dans le développement de sites Web et d’applications mobiles, le processus itératif est devenu incontournable. C’est d’ailleurs pourquoi nous faisons des tests utilisateurs : proposer des itérations pour optimiser des plateformes interactives existantes ou en construction ! Cette agilité est également applicable d’un point de vue macro au plan d’action en économie numérique selon Dominique Anglade, qui vise une stratégie évolutive et collaborative.
Principaux obstacles au commerce électronique
Le saut vers le commerce électronique vient avec son lot d’obstacles, et c’est souvent ce qui effraie les petits détaillants. Selon la ministre Anglade, il importe de sortir de nos vieux schèmes et de se comparer à ce qui se fait ailleurs. Le commerce en ligne est une opportunité à saisir et non une menace aux ventes en boutiques ! Le saut numérique n’est pas un choix selon Monsieur Proteau, mais quelque chose d’essentiel à la survie des entreprises. Dans son contexte, c’est l’ère de l’industrie 4.0. Il a expliqué comment nous sommes passés de l’industrialisation (industrie 1.0) à l’interconnectivité (industrie 4.0) où il faut être capable de connecter tous les appareils et machines, et leur laisser prendre des décisions pour nous. Le progrès est continuel chez APM inc. où le développement et l’implantation de nouveautés se font sur une base hebdomadaire.
La notion de développement continuel soulevée par Yves Proteau rejoint la réalité « agile » d’Albert Dang-Vu de chez Montego. Avec le numérique, la gestion de projets ne se fait plus comme avant. Plutôt que de fonctionner avec de grands projets, la firme priorise désormais de petits projets à court terme permettant plus de flexibilité. On peut s’imaginer le nombre élevé d’itérations requis pour développer un éventail de fonctionnalités de personnalisation sur plusieurs plateformes. Par exemple, c’est probablement le cas avec l’application de Oh She Glows, le blogue culinaire de l’Ontarienne Angela Liddon. Cette application, réalisée par Mirego, propose des dizaines de recettes, des options de recherche et de filtres, et un profil utilisateur personnalisable.
L’évolution constante touche aussi Vincent Thériault de chez Surmesur, qui a mis sur la table une crainte commune à plusieurs détaillant : se lancer avec quelque chose d’imparfait. Avec Google, Facebook et Amazon comme référents, les attentes des clients sont de plus en plus élevées – mais il faut tout de même se lancer et s’améliorer en cours de route. Pour reprendre les mots de Monsieur Thériault :
« Il faut commencer en amont (…) C’est pas demain qu’on va être capable d’être 100% top-notch dans tout ce qu’on fait, mais il faut commencer aujourd’hui. Il faut savoir qu’on va mettre beaucoup d’argent, puis qu’on va investir constamment avant de voir le fruit. C’est difficile pour les plus petites entreprises. »
Défis quotidiens en termes de compétences numériques
Les panélistes sont unanimes à ce niveau : c’est une question de formation. Albert Dang-Vu a expliqué qu’il faut former les gens de plus en plus vite, particulièrement dans le développement d’applications mobiles. Les plateformes se multiplient et les mises à jour sont nombreuses. Or, si la formation continue est nécessaire, il est parfois ardu d’avoir le bon plan de formation selon lui. Surmesur fait face au même défi : trouver de bonnes formations qui soient suffisamment concrètes. Cela est particulièrement vrai dans le cas des petites entreprises où les rôles sont évolutifs, et un même employé porte souvent plusieurs chapeaux quotidiennement. Par exemple, la Direcrice marketing de Surmesur a débuté comme graphiste au sein de l’organisation.
Pour relever le défi des compétences numériques, Yves Proteau a revu sa façon de recruter pour mettre davantage l’emphase sur l’informatique. Selon lui, il est d’abord essentiel de former les cadres. Pour faire suite à son intervention, Madame Anglade a souligné que le top management doit être initié au numérique. Selon elle, ce sont les gestionnaires qui ont le pouvoir de transformer les façons de faire dans les entreprises.
Conseils pour le plan d’action en économie numérique
En 30 secondes, les trois entrepreneurs ont formulé leurs recommandations pour la stratégie numérique. Les subventions et les crédits d’impôts ont été mentionnés – rien de surprenant ici, mais les trois panélistes ne se sont pas arrêtés là. Ils ont aussi mis l’accent sur l’offre de formations répondant concrètement au besoin de compétences numériques – un élément clé dans le plan d’action en économie numérique.
Pour conclure la discussion, Madame Anglade a rappelé que le statut du numérique s’est transformé. L’informatique n’est plus un « département » comme c’était le cas lorsque la discipline à été introduite dans les écoles – elle fait maintenant partie de nos vies. Dans cette optique, le numérique doit être intégré à notre manière de penser, et ce, peu importe notre champ d’expertise. Il reste maintenant à déterminer quelles actions concrètes seront posées pour développer la scène numérique québécoise.
Selon vous, que faut-il intégrer au plan d’action en économie numérique ?
* L’Assemblée générale annuelle des membres du CEFRIO, la conférence de la ministre Dominique Anglade et la table ronde avec des entreprises innovantes : APN inc., Mirego et Surmesur sont disponibles dans les webdiffusions sur le site du CEFRIO.
** Vous pouvez contribuer à la réflexion du gouvernement sur son plan d’action via la Plateforme de collaboration de la Stratégie numérique du Québec.