Commerce électronique au Québec : RDI Économie a fait le point
Hier soir, Gérald Fillion faisait le point sur le commerce électronique en direct de HEC Montréal dans une émission spéciale d’une heure diffusée sur ICI RDI. Le Tech3Lab, notre partenaire de recherche, et imarklab étaient de la partie pour dresser un portrait du commerce en ligne au Québec. L’émission a présenté avec justesse une province encore frileuse face au Web, mais qui a toutes les ressources nécessaires pour rattraper le virage numérique mondial dans les prochaines années. En voici les grandes lignes :
Au Québec, on achète en ligne, mais on ne vend pas.
C’est le premier constat qui est émergé de la discussion avec Jacques Nantel, Professeur titulaire à HEC Montréal, et Léopold Turgeon, Président du Conseil québécois de commerce de détail (CQCD). Tout s’achète désormais en ligne. En 2014, un Québécois sur deux disait avoir fait des achats en ligne dans la dernière année.
Les Québécois sont des consommateurs numériques. Or, on constate qu’ils dépensent un dollar sur quatre sur un site Web québécois, alors qu’un dollar sur deux est dépensé sur un site américain. Ces chiffres sont désolants pour nos commerçants, mais pas surprenants en considérant que seulement 16% des détaillants québécois s’adonnent au commerce électronique. Selon M. Turgeon, cela s’explique en partie par la présence de 25 000 petites entreprises au Québec (50 employés ou moins) qui blâment le manque de moyens financiers et de ressources humaines pour se lancer sur le Web…
Nous avons d’excellents commerçants électroniques.
Pour reprendre les mots de M. Nantel, les détaillants québécois qui sont en ligne se rendent compte que le monde peut leur appartenir. Ce qui est malheureux, c’est que trop peu en profitent alors que le Web peut représenter jusqu’à 90% de leurs revenus.
Évidemment, on ne pouvait pas passer à côté de Frank & Oak. La marque de vêtements pour hommes originaire du Mile End a débuté son ascension en 2012 en vendant exclusivement en ligne avant d’ouvrir des showrooms et des boutiques physiques. Aujourd’hui, Frank & Oak est une référence en matière de stratégie de commerce électronique avec 2,3 millions de membres, neuf vitrines physiques au Canada et trois aux États-Unis. Il y a également le cas de BonLook, une marque de lunettes de chez nous qui doit son succès à son modèle d’affaires numérique. Pour sa part, Altitude Sports est un exemple inspirant d’adaptation. Le commerce de détail traditionnel a eu l’instinct de se lancer en ligne en 1999. Aujourd’hui, 60% de ses revenus proviennent de l’extérieur du Québec, plus de cent de ses employés sont dédiés uniquement au Web et ses revenus doublent chaque année. À ce jour, 5% de ses ventes sont faites en magasin. Le monde appartient désormais à Frank & Oak, Bon Look et Altitude Sports !
L’innovation en recherche pour de meilleurs sites Web…
Quelle est la recette gagnante d’un bon site transactionnel ? Difficile à dire… Les dernières innovations technologiques en recherche nous permettent toutefois d’optimiser les interfaces Web pour aider les entreprises à promouvoir leur offre commerciale. C’est un des objectifs du Tech3Lab de HEC Montréal, un laboratoire de recherche universitaire spécialisé en expérience utilisateur. On peut y mesurer la réaction d’un consommateur qui interagit avec un site Web transactionnel via l’enregistrement du parcours du regard et la détection des émotions faciales. On peut déterminer où les consommateurs regardent, et ce qu’ils ressentent à quel moment. Par exemple, nous passons généralement peu de temps à regarder les photos de produits sur un site Web transactionnel, mais les images ont tendance à créer de fortes réactions émotionnelles.
Le commerce électronique est plus accessible que jamais.
Les barrières à l’entrée sont moins grandes qu’avant sur le Web grâce à de nouvelles plateformes de commerce électronique très user-friendly. Par exemple, Liki, établie dans le Vieux-Port de Montréal depuis 2013, offre la possibilité à tous de créer un site transactionnel complet en plus ou moins une heure. Il suffit de choisir un nom de domaine, un visuel et de « remplir » les boîtes de contenu avec des produits. Notons toutefois que cette facilité a un prix qui se paie en forfait mensuel et en commissions sur le volume de ventes. Pour que la magie opère, il importe bien sûr d’avoir une stratégie bien définie, des images attrayantes, et des descriptions pertinentes qui aideront les produits offerts à bien se positionner dans les résultats des moteurs de recherche comme Google. Le monde peut vous appartenir à condition qu’il puisse vous découvrir.
Avec de tels outils et les médias sociaux comme porte-voix, les entrepreneurs indépendants peuvent vendre en ligne. C’est le cas de David-Yan Auclair, un informaticien devenu ébéniste derrière la marque Rabot-D-Bois, et d’Anaïs Kechidi, créatrice des peluches Daisy Bisbille. Comme l’a souligné Alexandre Tellier, avouons aussi que l’échec est moins coûteux pour une boutique virtuelle que physique. S’il est si facile de se lancer, pourquoi nos entreprises résistent-elles ? Selon Léopold Turgeon, les détaillants intermédiaires ont besoin d’être stimulés et encouragés. Ils ont besoin d’aide pour identifier leurs besoins avant de faire le saut vers la vente en ligne.
Positionnement, relation client, agilité et technologie…
Ce sont les éléments clés de succès nommés par Ethan Song, cofondateur de Frank & Oak, et Alexandre Guimond, copropriétaire d’Altitude Sports, pour une stratégie de commerce électronique réussie. Qu’une entreprise soit sur le Web ou qu’elle ait pignon sur rue, elle se doit d’avoir un positionnement qui lui est propre et d’offrir une expérience unique. Le service à la clientèle est extrêmement important. Sur Internet, les clients ont la possibilité d’acheter n’importe quand et doivent toujours avoir accès au même service. La technologie évolue rapidement et l’agilité est de mise pour rester compétitif. Par exemple, la mobilité joue désormais un rôle clé en commerce électronique. Finalement, il importe d’internaliser la technologie au sein de l’entreprise. Il ne faut pas oublier que ce sont des humains qui opèrent cette technologie. Dans le cas d’Altitude Sports, l’évolution technologique se fait toujours de pair avec l’équipe.
Vendre en ligne, c’est comme sauter dans une piscine.
Jacques Nantel a expliqué que l’important pour les commerçants, c’est d’y croire. Il n’y a pas de barrière technologique. C’est d’abord et avant tout une question de plan d’affaires. Si vous savez à qui vous vous adressez et qu’est-ce que vous vendez, c’est comme sauter dans une piscine, il faut y aller. Le virage numérique vient avec son lot de défis, mais est incontournable. Les détaillants qui ne feront pas le saut risquent de souffrir. En effet, 7% des dépenses des ménages québécois sont maintenant faites en ligne, mais les achats totaux n’ont pas augmenté. Il y a donc 7% qui a disparu ailleurs.
Vous voulez en savoir plus sur l’état du commerce électronique au Québec ? L’intégralité de l’émission spéciale sur le commerce électronique est disponible en ligne. Pour des données récentes sur l’état du commerce électronique au Québec, vous pouvez aussi vous référer à l’Indice du commerce électronique au Québec – Volet entreprises du CEFRIO paru en octobre 2015 (rapport complet ou faits saillants).