Technologie et FoMO : le vice d’une génération trop connectée
L’abondance de technologie a donné un pouvoir énorme à ma génération, les Millennials. Nous pouvons nous informer et nous faire entendre plus vite que la lumière (ou presque). Nous sommes à un clic des quatre coins du monde, ce qui fait de nous une génération ouverte, tolérante et sensible à ce qui nous entoure de près ou de loin.
Les super-pouvoirs venant rarement sans contraintes, nous souffrons d’une FoMO (Fear of Missing Out) collective. C’est le talon d’Achille du numérique : une forme d’anxiété sociale, de souci compulsif de manquer une opportunité d’interagir socialement, de vivre quelque chose d’inédit ou de satisfaisant grâce aux médias sociaux (Dossey, 2014).
Tout a commencé avec l’enthousiasme de la nouveauté…
Dans la jeunesse des Baby-Boomers, posséder une voiture permettait d’élever son statut social. La pollution n’était pas une préoccupation. Tous (ou du moins une grande majorité) voulaient en posséder une. Aujourd’hui, nous sommes plus sensibilisés à l’impact environnemental des voitures. De plus en plus de personnes utilisent le transport en commun et le covoiturage par choix, et non parce qu’ils y sont contraints. De façon générale, nous sommes plus sensibilisés aux conséquences de la surconsommation. C’est pourquoi nous recyclons davantage, protégeons nos ressource naturelles, tentons de consommer moins, donnons une deuxième vie aux objets, etc.
Je ne suis pas historienne ou psychologue, mais la tendance semble se répéter dans l’histoire. Lorsque nous avons accès à quelque chose de nouveau, nous sommes portés à en profiter au maximum en allant parfois jusqu’à l’abus. Notre enthousiasme prend le dessus et nous omettons de voir son côté sombre ou de chercher à créer un équilibre. C’est la nature humaine. Pensez aux enfants qui goûtent le chocolat pour la première fois, ou encore aux adolescents qui découvrent les boissons alcoolisés…
Le numérique suit cette règle. Dans 100 ans, peut-être parlerons-nous de l’époque de la « révolution numérique » et de la « surnumérisation » dans les cours d’histoire…
…qui a mené à une surdose numérique…
Nous avons gagné notre titre de génération connectée en s’appropriant le Web 2.0 et la mobilité avec entrain. Nous les avons intégrés à nos modes de vie, une innovation à la fois : de MSN Messenger à Snapchat, du Motorolla Razr au iPhone 6s. Nous y avons pris goût pour communiquer, s’exprimer et se rapprocher en se distançant juste assez. Si vous êtes un Millennial, fort est à parier que vous avez déjà profité du confort qu’offre la messagerie texte ou instantanée. Elle nous permet de communiquer tout en gardant le plein contrôle du message que nous transmettons à notre interlocuteur. Nous avons choisi ce confort au téléphone traditionnel. Le numérique nous permet aussi de se mettre en valeur, de profiter d’une vision améliorée de notre réalité, que nous sommes libres de partager en totalité ou en partie. Encore une fois, nous avons le plein contrôle.
Et le mieux dans tout cela ? En cas de malaise, plus besoin de baisser les yeux ou de détourner le regard, il suffit de se river à son écran. Le numérique est aussi un masque portatif. Avez-vous déjà utilisé votre téléphone comme prétexte pour ignorer (avec tact) quelqu’un avec qui vous n’aviez pas envie de parler ? Probablement.
Aujourd’hui, nous devons faire face à une surdose de numérique que nous avons développée avec notre FoMO collective. Et je ne parle pas de cyberdépendance, mais bien du quotidien numérique de la majorité d’entre nous, les Millennials.
…ce qui a causé une prise de conscience collective.
De la même façon que nous avons réalisé que les voitures étaient nocives pour l’environnement et que la cigarette affectait nos poumons, nous avons réalisé que la technologie pouvait être néfaste pour notre santé mentale. Il y a eu une prise de conscience collective, puis un regard critique a été posé sur le numérique. Il n’est certainement pas question de revenir au Moyen-Âge, le Web est fantastique pour plusieurs raisons et fait pleinement partie de notre quotidien. Il s’agit plutôt de créer un équilibre numérique dans nos vies et de prendre connaissance des aspects négatifs de nos chers médias sociaux et de la présence constante de la technologie.
Nous sommes maintenant plusieurs à faire une detox du Web de temps à autre ou à réserver des plages horaires à cet effet (et je ne parle pas de smoothie vert). Par exemple, le chroniqueur de La Presse Patrick Lagacé a rédigé une série d’articles en 2014 sur son « grand débranchement » de 10 jours. Certains se sont aussi mis à critiquer le manque d’authenticité des médias sociaux, ce qui permet de rappeler à tous que ce qu’on y voit n’est pas nécessairement réel. C’est du rêve, des idéaux. Le cas de la star Instagram Essena O’Neil a été très médiatisé cet automne. La jeune femme a quitté les médias sociaux pour montrer qu’ils n’étaient pas représentatifs de la réalité en dévoilant l’envers de plusieurs de ses publications Instagram. Ce genre d’initiative nous pousse nécessairement à réfléchir sur notre façon de consommer le Web au quotidien.
Disons que ce billet se veut une réflexion personnelle sur la place de la technologie dans nos vies. Pour ma part, j’ai encore du travail à faire pour atteindre un équilibre numérique idéal, mais je crois être sur la bonne voie. Ironiquement, ce ne sont pas les articles qui manquent sur le Web pour nous aider à décrocher du Web. Notre génération est entrain de fixer ses propres règles pour consommer la technologie de façon responsable et modérée. Téléphone sur la table au restaurant entre amis : acceptable ou non ? Il reste à voir comment ces règles influenceront les normes de la société moderne. À suivre !
Source : Dossey, Larry (2014). « FOMO, Digital Dementia, and Our Dangerous Experiment », Explore (New York, N. Y.), vol. 10, no 2.