Les médias sociaux : un impact réel sur le chiffre d’affaires
L’impact des médias sociaux sur les ventes reste un sujet qui divise. Plusieurs intervenants doutent fermement de la capacité de ces médias à avoir un impact sur les ventes et considèrent que les histoires de succès qu’on connait ne sont que des exceptions. Pour continuer la réflexion à ce sujet entamée dans un ancien billet traitant du rôle des médias sociaux dans la promotion des ventes, nous nous intéresserons à un récent article scientifique démontrant l’impact réel des médias sociaux à travers une proposition de méthode d’analyse applicable aux entreprises:
The power of evil: the damages of negative social media strongly outweigh positive contributions (Corstjens et Umblijs, 2012).
Les auteurs s’intéressent à l’impact sur les ventes de ce que les gens disent, ce qu’on appelle le « people power ». La possibilité pour les consommateurs de se faire entendre à grande échelle est d’ailleurs un phénomène relativement récent auquel les entreprises s’adaptent progressivement.
Corstjens et Umblijs identifient trois types d’activités sur les médias sociaux, mais se sont concentrés sur le 3e type, soit ce qui est produit par des consommateurs mais non payé ni encouragé par l’entreprise. Une évaluation de restaurant sur Twitter est un exemple d’une telle activité. Actuellement, ce type d’activité est essentiellement mesuré sur la base de trois éléments :
- Le nombre de messages générés
- Le sentiment contenu derrière chacun de ces messages (positif, neutre, négatif)
- Le nombre de personnes ayant vu le/les message(s)
Puisque les auteurs cherchaient avant tout à mesurer précisément l’impact sur le « bottomline », ils ont créé un modèle de type « market mix response» mettant en relation des variables d’intérêt et les ventes pour une entreprise donnée. Cette méthode peut être utilisée par toute entreprise cherchant à cerner l’impact concret de ce qui se dit à son sujet.
Méthodologie utilisée
D’abord, on mesure chaque événement pertinent sur les médias sociaux (ex : un tweet, une publication Facebook, un billet de blogue évaluant un produit, etc.). On doit évaluer le sentiment de l’événement, qu’il soit positif, négatif ou neutre. Puis, on considère les caractéristiques de la personne à l’origine du message, c’est-à-dire sa portée et le fait qu’il soit un leader d’opinion ou non. On termine par considérer la réaction en chaine déclenchée par l’événement initial (ex : nombre de gens ayant suivi l’événement, le nombre d’événements générés par l’événement initial, etc.).
Les auteurs suggèrent d’évaluer chacune de ces variables sur une échelle d’importance de 1 à 3 pour garder les choses simples (1 : faible importance, 2 : importance intermédiaire, 3 : forte importance), mais une échelle plus large est aussi envisageable. Pour avoir un résultat par événement, il reste alors à multiplier les résultats pour chacune des variables. Les résultats d’événements peuvent ensuite être agrégés par sujet (ex : tous les événements traitant du prix du produit Y) ou encore par sentiment. Ces scores agrégés peuvent alors être utilisés pour expliquer une variation dans les chiffres de ventes.
- Par exemple, un commentaire négatif émis par un leader d’opinion (3) ayant un auditoire important (3) et ayant généré une réaction en chaine importante (3) aurait un score de 27 (3 x 3 x 3). Notez que j’ai simplifié un peu la méthode utilisée par les auteurs qui comporte plus de variables.
Résultats
Les auteurs ont réalisé l’exercice à l’intérieur de deux industries distinctes (télévisions à écran plat et services Internet), ce qui leur a permis de dégager quelques constats intéressants.
Le 3e type d’activité sur les médias sociaux a un impact significatif et mesurable sur les ventes (7% d’augmentation de vente pour les événements positifs et une baisse de 6,9% générée par les événements négatifs). Les auteurs ont d’ailleurs découvert que pour une importance comparable, les évènements négatifs avaient généralement un impact plus important sur les ventes que les positifs.
De par cet article, les auteurs ont pu démontrer objectivement l’impact des médias sociaux. Par contre, ils sont conscients des défis qu’auront les gestionnaires voulant appliquer cette méthode de mesure, le moindre de ces défis n’étant certainement pas l’étendue du travail nécessaire à l’étude de chaque événement. Évidemment, des outils permettant d’automatiser ce travail existent, mais les auteurs ont tôt fait de souligner les limites techniques de ces outils dans l’analyse du sentiment (d’autant plus vrai lorsqu’on étudie des événements en français).
Au final, la méthodologie présentée dans cet article constitue tout de même une base solide pour l’entreprise voulant pousser plus loin la mesure de ce qui se passe sur les médias sociaux et lier ces derniers aux ventes et profits.
Source: Corstjens, Marcel et Andris Umblijs, (2012). « The power of evil: the damage of negative social media strongly outweigh positive contributions », Journal of Advertising Research, décembre 2012, 433-449.